Biographie de Mme Émilie B.-Girard
Par monsieur J. Émile Fortin en 1949.
Madame Girard est décédée en 1950.
« Je ne puis pas vous dire comment j’ai travaillé. Mais je n’ai pas travaillé en vain. Je suis la première femme qui a travaillé à faire la plus belle paroisse de ce côté-ci du lac Saint-Jean. Mes misères et mes sacrifices n’ont pas été perdus. J’ai 81 ans. »
Émilie Bergeron-Girard
Elle épouse à 18 ans Joseph Girard fils de Joseph de Laterrière le 30 juillet 1886. Quelques années après leur mariage, vinrent de Péribonka un cousin de madame Girard, Ernest Bergeron et des amis ; Joseph Larouche, Alfred Bouchard, monsieur Dionne et Édouard Niquet. C’étaient les premiers colons de Péribonka. Ces colons en dirent assez pour décider Joseph Girard et sa femme de les suivre à Péribonka.
Ils prennent le bateau à Saint-Gédéon, « Le Petit Arthur ». Rendus à Péribonka, Joseph n’aime pas l’endroit, d’autant plus que les meilleures terres étaient prises et les maringouins mangeaient le monde en vie. Joseph voulait retourner, mais il ne revint pas de bateau de la saison. On était alors en l’année 1898, il fallait enfin se fixer, il y avait un débarras de chemin de fait par les Pères Trappistes, 12 pieds de largeur sans pont sur les cours d’eaux assez nombreux et considérables. Ce débouché allait vers la pointe où le Petit Paris tombe dans le gros. Joseph part par ce chemin et suit le Petit Péribonka, il choisit un lot dans le rang qu’on appelle aujourd’hui rang de la Chute Blanche. La terre est bonne à cet endroit. Il y avait déjà un nommé Guay qui avait un lot dans ce rang, mais sa femme n’y était pas encore venue, il avait un petit camp de construit. Joseph fait un abbatis d’un arpent de hauteur sur la largeur du lot, il graine ce terrain le printemps suivant. C’est pendant ce temps que Julius Bergeron, son frère vint voir sa soeur à Péribonka, elle était enceinte. La voyant dans cette position éloignée de tout secours, il la ramène à Saint-Bruno.
Pour construire son camp, Joseph, en l’absence de son épouse, prépare d’abord son bois et va chercher sa porte, ses châssis, son clou et un peu de planche chez les Pères Trappistes à Mistassini. Elle demeure 7 semaines à Saint-Bruno et revint avec son nouveau bébé. Elle se rendit dans son nouveau logis, le petit camp construit pendant son absence, en traversant les cours d’eaux en chaland, le cheval suit à la nage.
Joseph s’est établi définitivement sur la rive sud du Petit Paris mais la vieille femme ne se rappelle plus le numéro du lot, mais ce lot est dans la limite de Sainte-Jeanne-d’Arc. Elle était la seule femme, il y avait un colon du nom de Guay, mais il était seul avec ses fils.
Parmi ses souvenirs, madame Girard se rappelle qu’à cette époque, le gouvernement avait fait venir des colons du Maine pour les établir au Petit Paris. Le gouvernement avait promis de l’ouvrage à ces colons mais ne leur en donnait pas. Toutes ces familles prises par la misère se découragèrent et au moyen de raquettes avaient traversé le lac vis-à-vis de Roberval. Ces familles furent rapatriées après avoir abandonné tout ce qu’elles avaient apporté.
Madame Girard se souvient encore que la première année quand elle était encore au Grand Paris, Monseigneur Labrecque avait écrit à monsieur Niquet lui demandant de construire une petite chapelle et de l’orner de sapin. Monseigneur viendrait ensuite la bénir. Monseigneur avait entendu dire que la terre était stérile à Péribonka et qu’il n’y avait que du cyprès. Cependant les colons trouvèrent beaucoup de sapin le long de la rivière Moreau et Monseigneur fut très surpris en constatant le fait.
À l’occasion de la visite de Monseigneur, les colons après la messe s’étaient rassemblés devant la petite chapelle et madame Girard relate que Monseigneur Labrecque avait dit un mot à chacun en particulier. L’Évêque avait trouvé si beau le site de Péribonka qu’il avait fortement encouragé les colons à y demeurer. Toutefois il y avait des maringouins et le petit peuple s’en plaignit disant qu’il faudrait tout abandonner si ce fléau persistait. Pendant la messe Monseigneur avait certainement souffert de ces moustiques car deux homme se tenaient de chaque côté de l’autel avec des branches de sapin pour chasser les maringouins.
« Donnez-moi, dit l’Évèque, tout ce qui vous nuit, j’en ferai un paquet que je jetterai au milieu du lac. » « On vous donne les maringouins » avaient dit les colons. C’est ainsi qu’après le départ de Monseigneur les maringouins disparurent.
Trois ans après une compagnie se forme et les quelques colons sont heureux d’entendre dire qu’une manufacture sera bientôt construite à Sainte-Amédée tout près d’eux.
La deuxième femme qui vient après elle fut madame Ephrem Hébert, elle ne peut rester bien longtemps à cause de sa santé.
La vieille femme déclare n’avoir jamais souffert du manque de nourriture. Elle se faisait un beau jardin, sa vache lui fournissait assez de beurre et chaque année elle engraissait un porc.
Le plus grand inconvénient était le manque de secours en cas de maladie. La première école était à 3 milles de la manufacture et la première institutrice fut Anne Bouchard qui fut l’épouse d’Ernest Boulay (elle était la fille de la première institutrice de Saint-Félicien).
Monsieur Girard eut ensuite le contrat de malle qu’il fallait aller chercher chez les Pères Trappistes. Il gagnait 40 $ par trois mois, il allait chercher la malle une fois par semaine. Il y avait déjà quelques familles soit Élie Guay d’Ottawa avec sa femme, Émile Raymond avec sa femme, Anselme Asselin, les Bernier, Louis Besson, Français venu de la Côté d’Azur.
Quand les récoltes gelaient et que les colons n’avaient pas de quoi donner aux vaches ils achetaient de la pulpe en feuille qu’ils laissaient tremper avec un peu de son ou de gruau et avec cela les vaches augmentaient.
La première fromagerie de Sainte-Jeanne-d’Arc fut construite par Ambroise Larouche.
La première église en 1922, avant il y avait une chapelle au coin de la route. C’est le père William Tremblay qui bâtit l’église. Le premier magasin fut ouvert par Charles Boulianne. Monsieur William Tremblay opérait un moulin à scie.
Note : le texte original a été respecté.
Source : Fortin, J. Émile, Fonds Mémoires de vieillards, A.N.Q.